Email d’argile

Je ne suis vraiment pas intéressé par la fabrication d’émail, faire sa petite recette pour avoir un bleu plus bleu ou un rouge moins rouge, qui cuit à 1273,8°C, tout en restant mi brillant, mi mat et re-mi-brillant derrière. Une drôle d’entrée en matière me direz-vous pour l’onglet émail ? Oui tout à fait, c’est fait pour (pour que vous ayez envie de lire la suite !)

J’ai opté pour des émaux d’argile.

Je ne sais pas à quelle point c’est une technique employée par d’autres, mais l’idée est la suivante. Mes émaux sont des engobes de faïence, donc une petite croûte d’une argile qui ne tient pas la haute température sans fondre. Ceci est lié à sa composition plutôt calcaire, la chaux étant un fondant de l’argile, au bout d’un moment.

L’idée vient du mélange des plusieurs infos mais ça commence comme suit.

Mon ami potier maxence Andrzejewski me raconte qu’un potier de sa connaissance utilise la terre de noron, sous forme d’aiguille à la manière des montres fusibles, pour indiquer la fin de cuisson grès au moment où l’extrémité de la pointe plie. Chose intéressante à mon goût, et économique qui plus est, pour caler les fins de cuisson, j’entreprends d’en fabriquer également que j’ai le four adéquate. Par contre, il me plait d’en faire en différentes argiles pour éventuellement avoir une idée de l’avancée de la cuisson si certaines argiles plient plus vite que noron (ce qui est probable). Voici un exemple de ce que ça donne :

A gauche une montre fusible n°7, au milieu une pointe en argile de noron, et à droite (la flaque qui touche la brique -_-) une faïence calcaire.

En voyant la flaque de l’argile calcaire, cela me rappelle ce que m’avait dit Grégoire Heizmann il y a quelques temps, qu’un autre potier utilisait aussi l’argile de la bisbal (moi c’est pour les poteries d’extérieur) mais comme base d’émail. La trainée verdâtre me semblant pas mal comme masse vitreuse, toute seule, j’entreprends une série de pièces en deux types de grès, blanc et roux, avec des engobes de diverses faïences, cuites aux extrêmes températures du four.. Voici ce que ça a donné.

Les résultats étant impeccable pour certains, je me suis retrouvé à apprécier (oh la vache !) et à avoir envie de travailler sur les grès émaillés (nan mais t’es sérieux ?) de cette manière ! La simplicité et l’efficacité de la chose avait remporté la bataille sur mon idée préconçue que l’émail haute température était toute une affaire (tabernacle) ultra relou pour psychopathes de la balance de mesure.

(en vrai ça reste le cas, c’est pas simple de faire de l’émail en haute température, si l’on cherche une couleur, un aspect, une température de fusion précise, choisie, attendue et reproductible)

Par la suite, j’ai essayé des mélanges, et quelques fantaisies tests avec de l’hématite (mais non merci ça va finalement), donnant aujourd’hui un ensemble d’émaux intéressants, kaki, blanc et noir, uniquement fait d’argiles, que j’emploie allègrement !

Egalement en chauffant plus dur, un aspect plus brillant, des contrastes plus importants… Bref, un monde qui s’ouvre à de multiples résultats !

Petit plus qui n’enlève rien, loin de là, le travail de poteries émaillées par engobes d’argiles me permet de rester sur une production en monocuisson. Nul besoin de faire une première cuisson préalable avant l’application de l’émail. Cuisant au bois, c’est toujours ça de bois à brûler, de plus, en moins !

 

Mise à jour fin Mars 2023 :

A la faveur d’une demande par mail de + d’infos sur le sujet, je me rends compte qu’il est temps de mettre à jour cette page après plus de deux ans maintenant que je travaille sur ce principe d’émail à partir d’argile faïence !

 

Alors déjà, je trouve toujours ça palpitant ! Tant au niveau de la pratique, des résultats ainsi que les possibilités décoratives ! J’aime vraiment l’idée de ne travailler que des argiles, chacune pour ses possibilités propres. Celles pour les pièces, celles pour l’engobe de couleur, celles pour l’engobe émail.

Déjà, commençons par le début. Dans les terres utilisées pour les faïences, il y a de la chaux, de 5 à 15 % selon. D’ailleurs, plus il y a de fer dans l’argile moins il y a de chaux, pour des températures de fusion relativement similaire… C’est donc ça qui en fait une matière fusible : la présence de chaux qui est un fondant pour l’argile.

Ensuite : plus on cuit chaud (chaud pas chaux hein, ne commencez pas à vous mélanger les pinceaux ^^) plus c’est brillant et transparent. De plus, quand c’est en fusion, la fluidité des matières permet de faire migrer des éléments entre l’argile du pot et l’argile de l’engobe émail. Ainsi, entre un pot en grès blanc et un autre en grès rouge, le même engobe de faïence blanche sortira blanc/transparent pour l’un et vert/transparent pour l’autre (quand c’est cuit bien chaud).

ci dessus, au niveau de l’anse, la sous couche en grès rouge devient verte kaki quand c’est recouvert de faïence blanche (faut me croire sur parole, la photo n’étaient pas faite pour ça à la base, en tout cas on voit la différence de teinte)

Là c’est avec la faïence calcaire qui donne un vert différent selon si dessous c’est blanc ou rouge.

 

Niveau teinte : en gros on a blanc/transparent, vert ou marron (dans cet ordre là + il y a du fer). Pour avoir d’autres teintes il faut commencer les mélanges ! Et c’est là que ça commence à devenir tout un moooooonde ! Regardez plutôt :

OULA bon là il y trop d’infos !! ^^ J’avais fait ce coup là des essais sur divers support à des endroits différents dans le four. Déjà on voit que ça tourne toujours à peeu près au niveau des même teintes, on peut simplifier ! Soyons moins foufou et voyons sur juste un grès blanc :

C’est comme un tableau avec en première ligne :

  • blanc, B, faïence blanche « Fam55 » à Solargil
  • noir, N, mélange de faïence calcaire CBP solargil et faïence de la bisbal, Catalane à Solargil
  • vert, V, faïence calcaire « CBP » à solargil
  • marron, M, faïence de la bisbal, « Catalane » à Solargil

Les lignes suivantes c’est quand on ajoute de la faïence blanche, 1/3, 1/2 puis 2/3. Il faut comprendre par exemple le code 2B V : 2/3 de faïence blanche Fam55 + 1/3 de faïence calcaire CBP.

On voit ainsi que plus on ajoute du blanc, plus on arrive sur des verts clairs et qui en plus sont + fusible ! Une eutectique particulière ?

On obtient donc une palette un peu plus grande, d’autant plus en jouant sur les épaisseurs. Les tessons sont plongés plusieurs fois dans l’engobe, mais de moins en moins profondément, d’où le dégradé net sur certains.

J’ai fait la même chose en remplaçant la faïence blanche par de la porcelaine, mais les mélanges étant moins fusible et trop peu épais, le résultat n’est pas terrible. J’en recuis d’autres prochainement.

 

Je vous laisse là dessus pour l’instant, ça fait déjà de quoi cogiter 🙂

 

CONSEILS de DeeRnièèèRRe miNUUte :

Ah oui si, pour vous éviter des catastrophes évitable : Quand vous engobez, la poterie reprend beaucoup d’humidité et se ramollit très clairement, il sera rapidement impossible de la déplacer, comme sortie de tournage ! Alors, veillez à placer des cales sous les anses, les becs, tout ce qui dépasse et pourraient plier les pièce, voir les fendre !!

Petite galerie des monstres que je cuis quand même quand j’ai la place :

C’est beau vous ne trouvez pas ? 🙂

Des fois c’est juste une petite fissure raaaAAAAaaaa !!

 

Aussi, il est tendu de faire intérieur + extérieur en même temps, méfiez vous ! et bien sûr, pour faire deux couches, il faut attendre que le pot soit de nouveau manipulable.

Niveau texture, c’est difficile à vous décrire autrement que « autour de crème fraiche liquide » ^^ Il faudrait que ça soit le plus épais possible MAIS le plus fluide également pour vider rapidement les pièces. Perso je passe l’engobe au moment de sa préparation au tamis à émail pour avoir une texture bien lisse et pas de sable. A chacun de faire son jugement selon ce qu’il recherche, je n’ai pas pris le temps ou osé de tenter tout ce qui est possible de faire encore 🙂

 


Si cela vous intéresse, et que vous avez des questions, je vous invite à me contacter pour plus d’infos. Comme précédemment, j’enrichie le contenu en fonction !